Carlos ...
Aujourd’hui, je me baladais dans Granada, quand je me suis fais aborder par des vendeurs ambulants de hamacs. Ils débutent avec un prix à 20$ pour le faire descendre à 5$, mais je m’égare ! Je refuse avec un sourire et m’en vais poliment. Puis assoiffé je m’assois à une table, bien que bancale, pour me délecter d’un pepsi à 20 Cordobas.
Un autre “vendeur à la sauvette” m’aborde pour des hamacs, celui-ci plus tenace, et beaucoup, beaucoup plus jeune que les autres. Je l’interroge donc au sujet de sa condition de travailleur ambulant et sur sa vie au Nicaragua. Il accepte de répondre à mes questions en échange d’un pepsi que je lui offre sans hésiter.
Voici ce qu’il m’explique :
Il a 12 ans et travaille jour et nuit pour gagner une misère. C’est hésitant et le regard fuyant quand je lui demande son prénom, qu’il me répond seulement après 2-3 droites/gauches du regard : Carlos.
Donc, Carlos 12 ans a 4 frères et 5 soeurs, son père reste à la maison pour s’occuper du dernier qui n’est encore qu’un bébé. Il ne me dit pas ce que font ses frères et ses soeurs, de même qu’il ne me parle pas de ses parents.
Je lui demande alors si c’est lui qui fabrique les hamacs. Et c’est le cas, la journée il travaille à Masaya (une heure de bus de Granada) pour aller acheter la fibre qui composera le hamac pour 50 Cordobas, puis il paie 80 Cordobas pour se servir de l’équipement nécessaire à sa fabrication. Un hamac de taille normale prend environ 8 heures de travail, tandis que la taille au dessus lui prend 10 à 12 heures. Autant dire toute la journée pour un hamac.
Puis, le soir venu il se rend à Granada pour y vendre ses hamacs. Le prix varie en fonction des touristes qu’il trouve, il peut commencer à 20$ s’il pense avoir à faire à une personne qui acceptera facilement à 15$ ou bien 10$. Son but est de descendre au maximum au prix de fabrication (130 Cordobas = 4,30$) soit 5$ pour rembourser le hamac et gagner un petit quelque chose.
Parfois il ne mange pas pendant deux jours d’affilés, il boit un ou deux pepsi pour tenir le coût, il travaille ainsi depuis je ne sais combien de temps mais ce n’est pas un minot que j’ai en face de moi, les traits du visage fatigués, usé par la vie tel un sexagénaire qui n’aurait pas encore atteint la retraite, cependant de la malice dans les yeux, ce jeune gars m’explique qu’il rêve d’apprendre l’anglais et de travailler avec les ordinateurs. Entre deux gorgées il essaie de me racheter mon portable pour 5$, il monte à 7$. Je m’y refuse en souriant. Il réessaiera quelques fois sans succès. Qu’en est-il de l’école maintenant ? Il s’y rend quand il peut, il s’affaire à s’y rendre 3 fois par semaine. Il doit subvenir à ses besoins seul, sa famille trop grande, ses parents ne peuvent pas tous les assumer. Où il dort ? Dans un carton à Granada la plupart du temps, puis au matin retourne à Masaya pour son labeur quotidien.
Je dois m’en aller, je suis attendu. Je règle son pepsi auprès d’un serveur apparemment mal à l’aise qu’un de ces vendeurs soit assis à une de ses tables. Je descends la route, observant sur mon passage les bâtiments éclairés, lorsqu’un de ces bâtiments m’interpelle, plus précisément une école. Le “Centre Scolaire Carlos A. Bravo”, cela ne vous dis rien ? Institut scolaire non loin du bar où je me suis abreuvé de ce pepsi en écoutant un jeune vendeur hésitant sur son prénom, tentant de me vendre ses hamacs et de me racheter mon portable à un prix dérisoire.