L'ascension du Volcan Cotacachi
Je vais vous conter ici bas, l’histoire d’une ascension vertigineuse … Pas vertigineuse ? … Hors du commun alors ? J’exagère ?
Bon, tout commence par l’envie d’une longue randonnée en solitaire pour se recentrer un peu sur soi même. Etant à Quito, la capitale de l’Equateur, je cherche les possibles volcans/montagnes à proximité, lorsque un ami me parle du Lac Cuicocha, apparemment une merveille de la nature.
Je regarde donc sur la carte, et, surprise ! Il y a un Trail partant du lac jusqu’au sommet du volcan Cotacachi à 4944 mètres, il paraîtrait même qu’un guide ne serait pas requis, encore mieux !
Je prépare donc mon sac (tente, duvet, vêtements chauds, lampe, réchaud, nourriture, eau, boussole, caméra…), puis je pars me coucher car demain matin réveille à 6h pour départ à 7h30.
10 Heures
Me voilà à la ville de Cotacachi, ville la plus proche du lac de Cuicocha. Je siffle un taxi qui s’arrête au coin d’une rue fréquentée, bloquant le trafic, je lui demande alors le prix que cela me coûterait de me rendre au lac. Calmement, il me répond 6$ … 6… dollars … Pour combien de temps ?! Ça me parait un peu cher, lui dis-je. Toujours tranquillement malgré les voitures klaxonnant derrière nous, il me rétorque que le trajet dure 20 minutes, puis, me montre une fiche sur laquelle est inscrite tous les prix liés aux destinations. Sachant que je ne paie pas d’entrée, ni de guide, ni de tour, je monte dans le taxi.
10 Heures 20 Minutes
Arrivé au lac, je m’émerveille rapidement avant de commencer le trail. Sachant qu’il me faudra environ 4 à 5 heures pour arriver au début du sentier qui mène au volcan, je ne perds pas de temps.
11 Heures
Je marche avec mon sac de 20kg depuis trente minutes, il ne fait pas très chaud, mais je suis tout de même en T-Shirt.
Ce chemin correspondrait plus à une route, loin de ce que j’imaginais au niveau nature. Soudain, j’entends une voiture arriver, je ne me pose pas vraiment de questions, et continue à marcher. La voiture s’arrête, l’homme à l’intérieur se présente, il est garde de la réserve, et me questionne sur ma venue ici.
Impossible me dit-il, sans autorisation préalable, nous serons en faute s’il vous arrive quelque chose. Je me propose donc de lui faire un papier sur lequel je décharge le parc de toute responsabilité en cas d’accident, ce qu’il refuse bien évidemment. Il me ramène donc à l’entrée, pour signer … Un papier de décharge. Et oui. Je régule donc ma situation en 5 petites minutes.
11 Heures 30 minutes
M’ayant ramené au point où il m’avait embarqué, je reprends la marche où je l’avais laissé. Plusieurs voitures passeront, me proposeront de m’avancer, ce que je refuserais avec un sourire.
12 Heures 35 minutes
J’ai parcouru 4,2 kilomètres. J’ai du mal à garder ma respiration, je dois faire une pause toute les dix minutes pour me calmer, je m’autorise donc à recourir à mon inhalateur.
13 Heures
J’atteins un mirador qui donne sur le lac de Cuicocha, j’en profite pour faire une pause de trois quart d’heure. Je grignote quelques fruits sec, je bois de l’eau, et m’allonge dans l’herbe.
15 Heures 30 minutes
Il pleut depuis environ deux heures. Le backpack commence à me peser sur le bassin, je sens mon dos douloureux et mes pas lourds. Quelques questions me viennent alors, si un 4×4 passe est ce que je lui demande de me monter un peu plus haut ? Est ce que je plante ma tente maintenant pour me reposer ? Non .. Ce n’est pas envisageable, j’ai parcouru 10 kilomètres, il m’en manque 2,5 avant d’arriver au lieu de repos. Courage !
16 Heures 30 minutes
J’ai atteint mon objectif, j’ai parcouru un peu plus de 12,5 kilomètres sur un dénivelé d’environ 1000 mètres. Je plante la tente rapidement car le froid commence à me saisir, déballe en vitesse vêtements chauds et duvet, avant de trouver refuge dans ce dernier. Le temps passe, je suis dans les nuages, je ne vois rien autour de moi. Je ferme les yeux, et me concentre sur reposer mon corps.
18 Heures 30 minutes
J’entends des voitures s’approcher, des phares illuminés ma tente, puis le bruit d’un moteur qui s’arrête. Des voix retentissent, deux, trois, quatre, puis très vite au bruit des portières c’est tout un groupe qui est là. J’enfile mes chaussures et sors de mon doux cocon.
« Hola, que tal ? – Todo bien, y tu ? – Super bien gracias, están aqui para subir el Cotacachi ? – Claro, y tu ? Tambien ? Estas solo ? – Por supesto »
Bref, vous l’aurez compris, ils étaient là pour la même chose que moi. C’est donc un groupe de 18 personnes qui posent leurs tentes autour de la mienne. Je les aide pour l’installation, puis ils m’invitent à manger avec eux, à boire un café, nous discutons à l’air frais des 4° de la montagne. Ayant un projet commun, je me joins donc à eux. J’apprends qu’il font parti d’un groupe facebook organisant des ascensions chaque semaine, le groupe se nommant « Desde Abajo » (Depuis en bas), si cela vous intéresse de vous joindre à eux.
4 Heures
Réveil. Il a plu toute la nuit, j’ai mal dormi, comme tout le monde d’ailleurs. J’enfile toutes les couches de vêtements possible, je prend une bouteille d’eau, ma bousolle, et mon inhalateur. Je sors de ma tente, prêt à partir.
Ils n’étaient pas encore prêts, ils s’équipaient de harnais, mousquetons, baudrier pour l’escalade, piolets, cordage, casque… D’accord, d’accord… Est ce que je rêve ? C’est quoi cette préparation digne de l’Everest ?? Mille questions me viennent à l’esprit, la principale, est ce vraiment l’équipement nécessaire ? Comment je vais monter ?
5 Heures
Le plus connaisseur du groupe ayant déjà gravi cette montagne, propose une bénédiction. Je ne suis pas ce qu’on appelle un fervant croyant, mais au vu de ma situation désavantageuse, je l’accepte volontiers.
5 Heures 30 minutes
Nous partons armés de nos lampes frontales, traversant des herbes hautes humides dans le froid renforcé par le vent et l’humidité. En l’absence de mon backpack, je me sens léger, j’avance à un bon rythme sans vraiment me fatiguer, comme si je perçais à travers la montagne.
6 Heures 30 minutes
Une femme du groupe est déjà fatiguée, elle a vraiment du mal à avancer. Je décide alors de prendre son sac pour l’alléger et lui faciliter les choses. Son sac doit peser dans les 6 kg, autant dire que cela ne change rien pour moi.
7 Heures
En raison des nuages, nous ne voyons pas grand chose, nous avançons donc doucement, tout en partageant les rations de nourriture et d’eau que nous avons apporté.
7 Heures et 30 minutes
Il faut escalader. La paroi est humide, mais quand il en vient à l’escalade, je suis plutôt bon. Je monte rapidement, je suis un des premiers en haut. Je vois que les autres ont quelques difficultés, je décide donc de redescendre un peu, je prend de bons appuis à mi-chemin de la paroi, et les aide d’une main tendue qui’ils agrippent sans plus attendre.
8 Heures et 30 minutes
Nous faisons face à une crevasse de terre (et non de neige). Nous longeons prudemment le mur qui surplombe cet immense trou, la moindre erreur, c’est la chute, et cela ne pardonnera pas nous le savons. Nous trouvons un point de passage accessible sans avoir à utiliser les cordes, c’est doucement que nous traversons un par un.
9 Heures
La surface de ce volcan est très glissante, entre pierres et sable, il est facile de glisser. Le plus gros soucis vient des chutes de pierre provoquée soit par une personne du groupe, soit par le vent. C’est en certaines occasions qu’un « ROCAAAAAS » se faisait retentir pour prévenir le groupe que des pierres tombées. C’est dans ces moments là qu’il faut compter sur son casque, ou bien dans mon cas sur l’esquive. Ce fût le quotidien de la montée, de l’escalade, des pentes glissantes, et des pierres agressives.
9 Heures et 30 minutes
Il est temps pour une vraie pause, pause durant laquelle je les regarde enfiler tout leur équipement d’escalade et d’alpinisme. Oulala, qu’est ce qu’il m’attend pour la suite ?
La partie difficile commence, c’est une pente humide inclinée à peut être 60%, impossible de marcher, il faut escalader, bien que nous ne soyons pas à la verticale. Le danger se trouve dans le fait que nous devons escalader à la file indienne, si quelqu’un fait tomber une pierre, c’est celui se trouvant en dessous qui va en faire l’experience.
Il reste très peu de temps avant le sommet, nous y sommes presque !
10 Heures
Nous montons doucement, les derniers 200 mètres se gravissent en ce qui parait être une éternité, toujours dans les nuages, nous ne voyons pas à plus de 20 mètres devant nous.
10 Heures 30 minutes
Nous faisons une petite pause sur le dernier point plat avant le réel sommet, une structure rocheuse se dresse devant nous, face au vide, comme si elle défiait l’immensité de la vallée. Nous prenons quelques photos, et continuons pour la dernière montée. Pour cela, il faut traverser une pente rocailleuse et sablonneuse, qui donne directement sur le sommet.
Problème ? Attention aux chutes de pierre causées par le vent.
11 Heures 20 minutes
Tout le monde a traversé, je suis le dernier. Je commence à descendre un peu la paroi rocheuse, je « touche terre ».
J’avance avec précaution sur cette pente, je regarde en face de moi, de l’autre côté, Adrien, un des membre du groupe m’attendait. Je continue mon avancée, quand soudain la terre se dérobe sous mon pas ce qui me vaut de glisser sur quelques mètres avant de me stabiliser. Je poursuis mon avancée par des enjambées délicates, j’ai parcouru près de la moitié, j’y suis presque. Je regarde où je compte poser mon prochain pas, lorsque j’entends la voix d’Adrien retentir :
» Sebastiááááááán ! ROCAAAAAAAS ! Correeeeee ! » (Sébastien ! Pierres ! Cours !)
En une demi seconde je relève la tête, c’est ainsi que je constaste de gros rochers tombant du sommet, entrainant avec eux toutes les pierres sur leurs chemin. Je suis au milieu, que faire ? Aller de l’avant, ou revenir sur mes pas ? Devant moi, la pente est plus raide, cela augmente mes chances de glisser et par conséquent mes chances de ne pas traverser à temps. Je fais volte face, et comme si ma vie en dépendait (Ce qui ici n’est en fait pas une expression), je cours, glisse, cours, glisse !
Au lieu de gâcher mes forces à ne pas glisser, je m’oriente vers le bas ce qui me fait gagner en vitesse bien que je n’aille plus droit vers la paroi de la montagne. Je rejoins à temps le mur sur lequel je grimpe rapidement, c’est seulement à ce moment que je prend le temps de me retourner, et de voir passer les blocs de pierre dévaler la montagne. Sauvé. J’attends quelques minutes pour m’assurer que la voie est libre, et c’est avec d’innombrables droite gauche que j’ai fini par traverser cette pente menant au sommet !
12 Heures
Me voici donc finalement à 4994 mètres d’altitude !
Il était possible pour certains de monter encore un peu grâce à leur équipement d’alpinisme, j’estime que j’en ai fais assez, je suis fier de moi, et je ne regretterai pas de ne pas avoir pris le risque. De plus, la femme en difficulté depuis le début préfère rester aussi, inexpérimentée, je décide de rester avec elle pour veiller sur elle, après une heure sans nouvelle des autres, je me rend compte que j’ai bien fait de rester. La femme commence à avoir peur, froid, nous décidons donc de redescendre ensemble pour les attendre à un point moins frigorifiant. Le groupe me confirmera par la suite que ma décision de ne pas continuer était la bonne, trop de danger, ils se sont fait peur.
17 Heures 30 minutes
Nous sommes de retour au campement, fiers de ce que nous avons accompli. On s’échange les coordonnées, les contacts. Puis, on me propose de me ramener à Quito gratuitement, je n’ai plus de raison de rester une nuit de plus, l’ascension est accompli, j’accepte donc.
22 Heures
Affamé et épuisé, je suis de retour à Quito, j’hésite entre manger, prendre une douche chaude ou aller me coucher car je ne tiens plus sur mes jambes. Entre le samedi et le dimanche, j’aurai donc au compteur de marche effective 18 heures et 30 minutes dans les guibolles. Ce qui aurait pu être pire si je n’avais pas eu la chance d’être ramené en voiture.
Au final, ce sera manger, puis la douche revigorante, et un bon gros sommeil de 10 heures…