L'Ascension de l'Illimani à 6462m d'altitude !
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Tout d’abord, quelques données sur l’Illimani :
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Situé en Bolivie à 3/4h de La Paz
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Sommet : 6462m d’altitude
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Durée : 4 jours
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Difficulté : Technique/Alpinisme
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Mule et porteurs
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Prix : 240e (2000 Bs) pour 4 jours, tout compris
En soit, l’Illimani est plus haut de 1652m que le Mont Blanc (4810m), et est en dessous de l’Everest (8848m) de 2414m. Étant un glacier par sa neige éternelle, du fait de sa pérennité en été comme en hiver, un matériel d’alpinisme est nécessaire à l’ascension (piolet, baudrier, cordage, crampons…). Maintenant vient la question de pourquoi j’ai fais ce sommet, technique, dangereux pour mes poumons au niveau de l’altitude, et sans connaissance en alpinisme. Tout d’abord, pour continuer de prouver (comme je le fais tout le long de mon voyage), qu’après un pneumothorax (ou autre) qui vous laisse des séquelles physiques, vous avez encore la force d’accomplir de grandes choses, de prouver à vous même et à ceux qui vous disent que vous n’êtes plus capable, qu’ils se trompent et que la force est en vous, cette force appelée volonté de vivre, et pour moi, volonté de respirer. Il y a une autre raison qui m’a gardé motivé même dans la dureté de l’ascension, mais c’est plus bas ! 😉
Mais qu'est ce donc cela ?
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Jeudi 16 Novembre
Cela fait une semaine que je sais que je vais tenter l’ascension, une semaine que j’ai une boule dans l’estomac, et une tonne de question en tête : « Et si j’ai un soucis aux poumons une fois en haut, pas de secours possible sur place, est ce que j’aurai la force de redescendre ».
Si je ne réussis pas, ce sera encore une défaite comme celle de Huaraz au Pérou (arrêté à 4700m car mes chaussures m’avaient enlevé la peau des talons), en soit, plein de questions que j’ai dû faire stopper par une/deux soirées arrosées au bar en début de semaine, et ça aide !
Vendredi 17 Novembre, Jour J
9 Heures
C’est le départ, nous partons avec le guide, mes deux compagnons d’ascension polonais (Ania et Pavo) et moi même. Nous faisons plusieurs arrêts pour acheter des provisions, et malgré un long trajet de 4 heures, nous arrivons motivé à Pinaya (3900/4000m), où nous déchargeons le matériel de la voiture.
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13 Heures 30 Minutes
Herman, notre superguide 100% bolivien, qui dans la semaine a gravi trois fois le Huayna Potosi (6088m) et s’apprête maintenant à faire l’Illimani, nous surprend avec un repas de roi avant de partir en chemin pour le camp de base, au menu : Poulet, riz, patate et banane grillée !
14 Heures 30 Minutes
Le premier campement (4500m) n’est pas si loin, il est à 2/3h de marche de Pinaya, cela nous met un peu en jambe et nous permet de faire un peu connaissance, d’observer un peu la vitesse de marche de chacun. Ces quelques heures ne montent pas trop, il n’y a qu’un petit 500m de dénivelé qui passe assez vite. Je me concentre sur ma respiration, sur mon corps, et je n’arrête pas de lever la tête pour observer ce géant qui se dresse devant nous, ce qui au final me fera trébucher plusieurs fois… Oups…
Pendant ce temps, Pavo me raconte qu’il a gravi le Mont Blanc il y a quelques années de cela, ah bon…
16 Heures 30 Minutes
Nous arrivons au camp de base plus vite que prévu, et nous nous allongeons dans l’herbe verte près de la rivière provenant de la fonte du glacier. C’est un petit 20 minutes de repos dont nous nous délectons bien volontiers. Nous sommes rejoins par la mule nous apportant la gazinière, le stock de nourriture, et les bottes de montagne.
On grignote quelques fruits secs, avant de nous attaquer à monter le camp.
Besoin d’aide ? Me demande-t-on. Je remercie et répond dans un sourire que ma tente est vraiment rapide à mettre en place, tout fier (il en faut peu oui).
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17 Heures 30 Minutes
Herman nous dévoile ce qu’il nous a prévu pour les petits dej et les goûters, et c’est un festin de choix ! Je m’empresse donc de me servir quelques thés de coca, un chocolat chaud, tout en avalant des tartines de confiture à la fraise et au dulce de leche. Un délice. Nous restons là à manger et à nous réchauffer pendant qu’Herman prépare le repas du soir.
18 Heures 30 Minutes
Le soleil commence à se coucher, et pour ne rien rater je cours dans tous les sens, prendre des photos, m’asseoir devant la vue, admirer, puis repartir prendre d’autres photos, me reposer car je me crève à courir. Cela pour au final, revenir au camp. Le dîner est prêt, nous dégustons une soupe de légumes aux pates, devant une montagne devenue rouge. Au loin, des nuages noirs font tomber la foudre sur La Paz, observable au loin. Plus la nuit tombe, plus les nuages se rapprochent, jusqu’à ce que la foudre elle même ne soit plus très loin, et que je puisse vous ramener ces quelques photos !
20 Heures 30 Minutes
C’est l’heure d’aller se coucher, demain on part à 8 heures, donc on a largement le temps de se reposer, on a bien mangé, on est en forme !
Samedi 18 Novembre
5 Heures
Car évidemment il n’est pas possible de dormir plus de 10h en montagne ou même en voyage, c’est naturellement que je me réveille. Je fais traîner jusqu’à 6 heures avant de me lever. Pour un bon réveil, je plonge ma tête dans la rivière, effet fraîcheur immédiat ! Je m’assoie avec notre cher ami guide, lui aussi debout, pour préparer le petit déjeuner.
8 Heures
Départ pour le Campo Alto à 5500m. Le début de la marche est relativement facile, nous traversons une petite rivière à l’eau claire, cela ne monte pas trop, du moins c’est ce que je pense les premiers kilomètres. C’est à ce moment là que je regarde ma carte, pour me rendre compte qu’il reste 1.5km sur 600m de dénivelé, nous continuons d’avancer et c’est un peu plus loin que la partie plus complexe s’annonce, il faut utiliser les bras et les jambes pour monter, on se croirait presque à une session d’escalade débutant. Il faut énormément forcer sur les jambes, ce qui me fait penser, que le lendemain va être rude physiquement, à cause de la fatigue accumulée.
12 Heures
Nous arrivons, fatigués, au Campo Alto. Première chose que nous faisons : On s’étale par terre.
Puis, quelques dizaines de minutes plus tard, nous commençons à nous relever pour observer tout de même un peu la vue. C’est avec un petit vent assez frais que nous établissons le campement, puis que nous reprenons chocolat chaud, café, ou encore thé. L’eau provient du glacier que nous faisons bouillir pour la rendre potable. Nous déjeunons (Et non pas petit-déjeunons), et passons aux vérifications de l’équipement, nous réessayons les bottes, réglons les crampons, les baudriers, et tout le tralala. Sans connaissance propre de tout cela, seulement ayant vu des personnes faire au Pérou, je me lance aux réglages qui s’avèrent tout à fait simplets au final, je demande tout de même vérification, tout va bien.
13 Heures 30 Minutes
Le soleil tape. J’ai du temps à tuer, alors pourquoi pas faire bronzette, une demi heure suffira à obtenir un bronzage satisfaisant…
15 Heures 30 Minutes
Je passe la journée à me reposer dans la tente, entre l’altitude, la fatigue et le soleil, nous sommes tous H.S. De plus, nous partons à 1h du matin, et il est fort possible que nous ne dormions pas beaucoup.
Je suis allongé, yeux fermés dans ma tente, lorsque j’entends un bruit sourd, comme si une avalanche nous tombait dessus, j’ouvre rapidement l’autre côté de ma tente, pour observer une mini tornade qui s’était formée sur le petit plateau où nous campons. La tente d’Herman ne résiste pas et les piquets sont arrachés, ses affaires volent dans les airs. Les Polonais juste à côté se jettent sur la tente pour l’empêcher de s’envoler, quant à moi, je fais l’étoile de mer pour couvrir plus de surface et ainsi empêcher que ma tente soit trop secouée. Impressionnée de cette mini tornade bien visible, je me recouche tranquillement.
19 Heures
Un autre guide nous rejoint, Leo, ce sera le guide auquel je serai encordé dans quelques heures pour monter, tandis que Pavo et Ania seront avec Herman. Après l’avoir salué, je retourne dans ma tente. Les heures passent, la fatigue reste, le sommeil ne viendra jamais. Les yeux fermés, j’attends que mon réveil sonne…
23 Heures 30 Minutes
Ma tente est secouée, c’est Herman qui me prévient qu’il faut se préparer. Un peu dans les vapes, je m’habille, collant thermique, pantalon de montagne, t shirt thermique, polaire, veste, et doudoune.
La nuit qui nous attend va être très fraîche, on sait que les moins dix vont être facilement atteint. J’enfile mes bottes, quand le lacet de l’une d’elles me reste dans les mains… Super ! Je me débrouille donc pour l’attacher du mieux que je peux, avec mes talents reconnus pour le système D.
C’est dans un silence pesant que nous petit-déjeunons, tous concentrés comme si on pressentait ce qu’on allait subir. On vérifie une dernière fois nos affaires, et on part pour l’ascension finale, 1000m de dénivelé sur 2.5km.
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Dimanche 19 Novembre
1 Heure 30 Minutes
Après trente minutes de marche sur la terre qui sont déjà très éprouvante et glissante, nous enfourchons nos crampons pour nous attaquer au glacier. C’est parti, ma première marche sur glacier commence ici.
2 Heures 30 Minutes
Un mur de glace se dresse devant moi, du moins, bien incliné à mon goût. Déjà bien éprouvé par cette heure de marche, c’est aux crampons et piolet qu’il faut monter, il va donc bien falloir pousser sur les jambes, et bien planter le piolet pour ne pas risquer de tomber, même si le guide assure ma montée avec son piolet, il suffirait pour que je chute trop fort pour que son piolet lâche.
Le mur de glace passé, nous continuons l’ascension par une marche dans la neige fraîchement tombée dans la nuit, après peut être 100m de plus, je m’écroule face contre neige. Je suis à bout. J’ai mal aux jambes, je suis fatigué, et cela commence à devenir dur de respirer normalement.
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3 Heures 30 Minutes
Après une énième fois à me laisser tomber d’épuisement, le guide me demande si je veux abandonner, ce à quoi je réponds évidemment, on continue !
Toujours face contre neige, je ne cesse de me répéter : « Tu as un but, Tu as un but, Tu as un but »
Je me repasse dans la tête toutes les raisons qui font que je suis sur ce flanc de montagne, pourquoi je n’ai pas le droit d’abandonner, pour tous ceux qui pensent que rien n’est plus possible lorsqu’ils perdent quelque chose comme la respiration, pour me prouver que je suis capable, ainsi que pour emmerder le pneumothorax.
4 Heures 30 Minutes
Je demande au guide combien de temps il nous reste jusqu’au sommet, persuadé de l’avoir en face de moi. Calmement, il me répond d’un ton sans compassion quelconque : « 3 heures au moins, nous sommes encore trèèès loin ».
Ces quelques mots font l’effet d’une balle de revolver, m’enlèvent momentanément toute motivation, et me font venir les larmes aux yeux. Sur le point de relâcher toute la fatigue et le trop plein d’émotion, je bloque tout car je sens que si je craque maintenant, je n’atteindrai pas le sommet. Je prends sur moi même pour garder mes larmes pour le sommet, je me chante (dans la tête pour économiser le souffle) des chansons comme « Hall of Fame », « ´till I Collapse », ou encore « Prayers of the Refugee » pour me donner de la motivation.
5 Heures 30 Minutes
Pavo, Ania, et Herman sont assez loin devant nous, ils ont un meilleur rythme que moi c’est sur, cependant, aucun de nous n’atteindra le sommet pour le lever du soleil, et nous le comprenons très vite. Je sais que plus le temps passera, plus mes chances d’atteindre le sommet seront réduite du fait que la neige fond très vite.
Je continue à marcher, à me concentrer sur mon but, je sais que le sommet n’est plus qu’à quelques centaines de mètres, mais essoufflé, je m’arrête une seconde pour prendre une grande inspiration. Grave erreur. C’est trop soudain pour mes poumons, je commence à suffoquer, dans la panique j’enlève casque, bonnet, cagoule, tour de cou (par moins dix degrés, quelle bonne idée), j’ai la sensation que mes poumons sont en feu, j’essaie de prendre de grosses inspirations, sans succès. Je prends conscience rapidement que si je ne me calme pas, cela peut finir assez mal, bien que dur à faire sachant que je manque d’air, je prends de petites inspirations qui me provoquent des douleurs qui me mettent à genoux. Petit à petit, je reprends mon souffle, je regagne mes esprits, et je reste agenouillé, tête face à la neige, l’esprit vide.
« On continue ou on redescend ? On peut redescendre si tu veux, ce serait mieux. » me lance Leo, inquiet pour moi.
« Non, non… Je veux continuer, on est encore loin du sommet ? »
« Environ 2 heures… »
« Alors on se remet en route »
C’est plus lentement que nous continuons notre avancée.
Environs de 6 heures
Le sommet est enfin en vue, après de nombreux fausses joies d’arrivée tout du long, il est enfin là ! Cependant, une crevasse qui apparemment ne devait pas être là avant surprend nos guides. Nous sommes si proches !
Les guides installent les cordes de rappel, système qui ne consiste pas à se laisser descendre, il faut tout de même planter les crampons et le piolet, ce qui demande énormément de force pour soutenir son poids sur le bout des pieds. Précautionneusement nous descendons donc la crevasse, qu’il faut ensuite remonter, soit une perte d’énergie considérable pour traverser 5 mètres de distance. Le dernier effort s’annonce rude, c’est une pente relativement inclinée qu’il faut monter en long zigzag, c’est d’une lenteur accablante que je monte difficilement, mais je monte ! Essoufflé, très essoufflé, je regarde le sol : « Ne glisse pas, ne tombe pas, pose un pied après l’autre, c’est tout ce qui importe, un pied après l’autre » . Voilà tout ce qui est dans ma tête à ce moment précis.
Environs de 7 heures et 30 Minutes
Nous atteignons enfin le sommet ! Après une marche qui nous a paru interminable, nous y sommes enfin ! Nous nous trouvons à 6462m d’altitude, et c’est à 6462m que nous nous écroulons par terre, heureux, mais sans aucune force restante dans nos corps.
Nous nous félicitons, et c’est parti pour une séance photo un peu différente que d’habitude, je ne veux pas de photo du paysage tant que ça, pas plus de selfie, ce que je veux c’est faire passer un message clair, en lettres capitales : J’EMMERDE LE PNEUMOTHORAX !
Du haut de l’immensité de ma montagne conquise, au dessus des nuages, je le proclame haut et fort, et en toute lettre, immortalisé par une photo (voir plusieurs car avec le vent j’ai du mal à obtenir une bonne photo ^^).
Mon objectif est atteint, je ne prends même pas la peine de m’attarder à plus de photos, nous n’avons pas beaucoup de temps, la neige fond très vite.
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9 Heures
La majeure partie de la descente se fait en rappel, les pentes montées auparavant étant trop inclinées, et les risques de glisser en raison de la neige instable, tout cela rend la descente physique et interminable. Il faudra repasser la crevasse, descendre en rappel, et progresser doucement. Encore une fois je suis épuisé comme jamais, mes jambes ne me tiennent plus, et j’arrive une heure plus tard que les autres au campement.
13 Heures
Je suis arrivé depuis 30 minutes qu’il faut déjà plier bagage, pas le temps de se reposer, nous redescendons au Campo Base. Je n’ai qu’une pensée, je l’ai fais jusqu’en haut, maintenant je veux redescendre et me reposer.
14 heures 30 minutes
La mince rivière traversée lors de la montée est devenue un torrent, la fonte des neiges a causé un afflux d’eau impressionnant, il n’y a nul part où nous pourrions traverser, la seule et unique solution apparente est un rocher sur lequel il faut sauter au milieu de la rivière pour ensuite refaire un petit saut et passer de l’autre côté. Je m’élance le premier… J’atterie… Et je glisse. Ma cheville vrille, et je manque de peu de tomber dans l’eau. Huuuum à la sensation, je peux dire que c’est au moins une belle entorse. Je passe tant bien que mal de l’autre côté, et je dois finir les 2,5km restant en boitant. Super !
Au final, un mini van passera non loin du Campo Base, et nous amènera à Pinaya, et nous rentrerons donc un jour plus tôt à La Paz !